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« Beuys montre la blessure afin qu’elle puisse être négociée collectivement.
Vostell maintient la blessure ouverte pour qu’elle ne soit pas oubliée.
J’entre dans la blessure et je me guéris - non pas comme un repli sur le privé, mais comme un acte artistique qui comprend le corps comme un lieu de transformation. » (Veronika Dräxler)
Ce dialogue entre Joseph Beuys, Wolf Vostell et Veronika Dräxler commence par des souvenirs, des traumatismes collectifs, des blessures et des gestes de guérison.
Fluxus a émergé dans l’après-guerre en tant que réseau international d’artistes, débutant à New York et avec une forte présence en Allemagne. Des déclarations telles que « Chaque être humain est une œuvre d’art » (Vostell), « Chaque être humain est un artiste » (Beuys), « Fluxus, c’est la vie » et « L’art est partout » (Ben) ont façonné l’éthique Fluxus — une forme démocratique de créativité ouverte à tous.
Au cœur de ce mouvement se trouvait la dissolution des frontières entre l’art et la vie quotidienne. Par l’humour, la performance et l’usage de matériaux ordinaires, les artistes Fluxus perturbaient les conventions académiques tout en répondant aux réalités politiques et sociales.
Dans Fluxus Dialogs, le travail de Dräxler entre en dialogue direct avec le Requiem de Wolf Vostell issu de la série Millionen Kasten. Les boîtes scellées de Vostell enferment des fragments de mémoire - briques, photographies de la Reichskanzlei, restes des médias de masse - préservant les blessures de la guerre et ses millions de victimes.
La pratique de Veronika Dräxler résonne avec cet esprit, notamment par son attention à la mémoire, à la vulnérabilité et au trauma collectif. Son œuvre Wounds of Berlin fait référence à l’installation de Beuys Zeige deine Wunde (1976), interprétant le motif camouflage des sièges du métro berlinois et leurs réparations comme des blessures à la fois littérales et métaphoriques.
Elle crée un archive des cicatrices urbaines, ouverte aux interventions et aux transformations. Avec les mots Heile deine Wunde (« Guéris ta blessure »), les actes de haine sont réécrits, proposant un processus qui transforme la douleur sans l’effacer.
Dans Medea, Veronika Dräxler initie un dialogue avec l’une des figures centrales de Fluxus, Joseph Beuys. D’un point de vue féminin, elle offre son propre corps à l’art dans un rituel de guérison. Inspirée par les matériaux centraux de l’œuvre de Beuys, elle les adapte de manière contemporaine : la graisse est remplacée par de l’huile d’olive et la laine feutrée est utilisée de façon recyclée. Des fragments récemment collectés de piliers frontaliers Est/Ouest allemands font également partie de l’installation et de la performance, évoquant un processus archéologique au sein de l’histoire bétonnée et fossilisée de Vostell.
« Tandis que Vostell travaille par le scellement violent, je travaille avec la perméabilité, maintenant plusieurs points de vue en tension. Les deux stratégies résistent à l’oubli : l’une dans le langage de la fermeture, l’autre dans le langage de la réécriture. »
EN
"Beuys shows the wound so that it may be collectively negotiated.
Vostell holds the wound open so that it will not be forgotten.
I enter the wound, and I heal myself — not as a retreat into the private, but as an artistic act that understands the body as a site of transformation." (Veronika Dräxler)
This dialogue between Joseph Beuys, Wolf Vostell, and Veronika Dräxler begins with memories, collective traumas, wounds, and gestures of healing.
Fluxus emerged in the postwar period as an international network of artists, beginning in New York and with a strong presence in Germany. Statements such as “Every human is an artwork” (Vostell), “Every human is an artist” (Beuys), “Fluxus is life,” and “Art is everywhere” (Ben) shaped the Fluxus ethos — a democratic form of creativity open to anyone.
At its core was the dissolution of boundaries between art and everyday life. Through humor, performance, and the use of ordinary materials, Fluxus artists disrupted academic conventions while responding to political and social realities.
In Fluxus Dialogs, Dräxler’s work enters into direct conversation with Wolf Vostell’s Requiem from the series Millionen Kasten. Vostell’s sealed boxes enclose fragments of memory — bricks, photographs of the Reichskanzlei, remnants of mass media — preserving the wounds of war and its millions of victims.
Veronika Dräxler’s practice resonates with this spirit, particularly in its focus on memory, vulnerability, and collective trauma. Her work Wounds of Berlin references Beuys’s installation Zeige deine Wunde (1976), interpreting the camouflage pattern of Berlin’s subway seats and their repair patches as both literal and metaphorical wounds.
She creates an archive of urban scars that remains open to interventions and transformations. With the words Heile deine Wunde (“Heal your wound”) acts of hatred are overwritten, proposing a process that transforms pain without erasing it.
In Medea, Veronika Dräxler initiates a dialogue with one of Fluxus’s central figures, Joseph Beuys. From a female perspective, she offers her own body to art in a healing ritual. Inspired by the materials central to Beuys’s oeuvre, she adapts them in an updated way: fat is replaced with olive oil, and felt is used in recycled form. Recently collected fragments of East/West German border pillars also form part of the installation and performance, evoking an archaeological process within Vostell’s concreted, fossilized history.
“While Vostell works through violent sealing, I work with permeability, holding multiple standpoints in tension. Both strategies resist amnesia: one in the language of closure, the other in the language of overwriting.”